L'importation des indiennes par le biais de la Compagnie des Indes Orientales en France du XVII au XIXe

Les indiennes: terme générique qui indique en général des tissus exotiques venant d’Inde et d’Asie puis terme utilisé par la suite pour les étoffes imprimées en Europe sur les même modèles.

La Compagnie des Indes avait pour activité principale le commerce et le transport des produits d’Orient et de l’agriculture tropicale vers les ports français, et dont l’une des ambitions principales était d’importer des textiles indiens. Crée en 1664 par Colbert, qui en rédige les statuts, la Compagnie Française des Indes Orientales est la dernière des 3 compagnies (La Compagnie Anglaise des Indes Orientales 1600-1875 et la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales 1602 - 1799) qui eurent le monopole du commerce colonial entre les 17e et 19e siècles. Sa mission est quadruple: commerciale, politique, religieuse et culturelle.

Lorsque qu’elle entre en action, afin principalement d‘entrer en concurrence avec les 2 autres compagnies qui ont développé un commerce florissant avec les différentes régions d’Asie et d’Amérique, le tissu indien est déjà très importé en Europe, les indiennes sont très à la mode et Colbert veut favoriser ce commerce.

A Marseille, un premier atelier d’indienne avait été fondé en 1648. Colbert en fait un port franc en 1669 et invite la communauté arménienne à développer le commerce des indiennes grâce à ses liens étroits avec l’Orient.

Des textiles de différentes qualités et pour différents usages sont alors importés, toiles de coton blanc, fines mousselines, percales, étoffes grossières, précieuses ou ordinaires et selon les moyens financiers des acheteurs. Les indiennes sont des toiles de coton pur imprimées selon la technique d‘impression sur étoffe. Les techniques du mordançage qui permet de fixer des couleurs dans le tissu et de la réserve ont alors été inventées et développées en Inde, et ne sont pas maîtrisées en Europe vers 1660. Le coton n’est pas une plante d’origine européenne mais indienne la matière premières est donc rare, l‘impression des indiennes nécessite l’utilisation d‘une armure pure de coton.

3 grandes régions intéressent les compagnies: le Bengal, Le Gujarat et la côte de Coromandel qui devient un centre majeur de production et d’importation de textile (Les français s‘installent à Pondichery) où les Paliacates ( le tissu maintenant connus sous le terme de Madras) par exemple sont massivement importés par la Compagnie, mais aussi les Chints.

Les mouchoirs de Paliacate (huit lieues au nord de Madras) sont longuement décrits par Legoux.

« Leur finesse, la beauté de leurs tissus, le brillant des couleurs, leur variété et leur solidité, le moelleux de la toile rendent cette espèce de marchandise précieuse aux consommateurs…Beaucoup plus variée que les mouchoirs du Masulipatam…pour leur finesse…pour leurs couleurs qui sont multipliées à l’infini…Couleurs légères et brillantes, bon teint mais le rouge est beaucoup plus rosé que celles de…Masulipatam. Les teinturiers réussissent supérieurement dans les couleurs vertes et jaunes, c’est dans les teintures bleu et puce qu’ils excellent…Solidité et brillant du rouge… ». Les moins fins, écrit Legoux « conviennent mieux pour le commerce et les échanges qui se font sur les différentes côtes d’Afrique ». Comment reconnaître les mouchoirs de Paliacate des autres ? « En les repliant sur lui-même en triangle, ceux de Paliacate forment un carré parfait…Les carreaux du dessin de Paliacate sont en général de seize lignes, pied du roi ; ceux des autres manufactures sont ou plus petits ou plus grands. »

Les mousselines font l’objet d’âpres tensions commerciales car elles plaisent énormément dans toute l’Europe. Une des conséquences de ces importations de coton indien est la diminution de l’activité des ateliers et manufactures français qui produisent de la soie, de la laine, du lin, du chanvre. La compagnie des Indes est perçue comme constitutive d’une concurrence publique déloyale. En 1686, à la demande du Roi et de Louvois, alors Directeur du commerce intérieur et des manufactures, un arrêt interdit d’importer, produire, vendre de stocker des indiennes. Des indienneurs partent de Marseille s‘installer en Avignon, ville papale, à Gênes, en Toscane, en Suisse, en Allemagne… L’importation en France de coton blanc et mousseline continue, mais les indiennes sont interdites. Les productions peuvent arriver en France à la condition d’être réexportées ( commerce triangulaire, esclavage, autres colonies françaises). Un commerce de contrebande se développe alors car les indiennes plaisent énormément, et les autres compagnies continuent à importer satisfaisant ainsi le goût de acheteurs fidèles.

En 1759, lorsque la prohibition est levée, une multitude d‘ateliers ouvre sur tout le territoire, mais faute de main d ‘oeuvre qualifiée, de compétences, de matières premières qui nécessitent des capitaux, ils ne peuvent pas perdurer.

En Provence, à Marseille, les manufactures d’indiennes se sont épanouies, au point de faire de ces produits de luxe un élément emblématique de la région.